Thu, 2020/12/03 12:51

[Photo: MediCapt et le formulaire Kenyan Post Rape Care. Adriane Ohanessian pour Physicians for Human Rights]
Par Katy Johnson, Lindsey Green et Suzanne Kidenda
Lire en English et en Espagnol.
Les chercheurs sont souvent confrontés à un défi majeur lorsqu'ils recherchent la violence sexuelle ou évaluent des programmes axés sur la violence sexuelle : comment collecter des informations sans traumatiser à nouveau les survivants.
Il est essentiel de rassembler des données précises auprès des survivants de violences sexuelles pour documenter ou développer des programmes à leur profit. L'obtention de ces informations peut cependant comporter de graves risques pour les survivants, en particulier dans les contextes de conflit, où les risques pour la sécurité des survivants peuvent être graves.
Les méthodes de recherche standard, telles que l'interrogation des survivants, peuvent les traumatiser à nouveau ou les exposer à une stigmatisation et une discrimination supplémentaire. De même, le processus adopté par une organisation pour surveiller et évaluer sa programmation avec les survivantes pourrait entrainer des dommages.
Physicians for Human Rights [Physiciens pour les droits humains] (PHR) tente de relever ce défi. Notre Program on Sexual Violence in Conflict Zones dans le domaine de la violence sexuelle dans les zones de conflits permet de renforcer les capacités des professionnels de la santé, du droit et de l’application de la loi qui encadrent les victimes de violences sexuelles afin d’améliorer l’accès à la justice. Notre équipe conçoit intentionnellement des recherches et un suivi et évaluation qui génèrent des données, tout en assurant la sûreté et la sécurité des survivants.
Nous utilisons des méthodologies mixtes, dont nous allons mettre en évidence des exemples ci-dessous, pour éviter de placer le fardeau de la documentation uniquement sur les survivants. Nous nous appuyons sur des sources crédibles de données et d'informations autres que les témoignages de survivants de violences sexuelles. Ces sources peuvent servir à la fois de sources d'informations supplémentaires et de substituts appropriés à la place des victimes de violences sexuelles.
Documentation sur les droits humaines: recherche sur la violence sexuelle et les Rohingyas
Le rapport récemment publié par notre organisation intitulé “Sexual Violence, Trauma, and Neglect: Observations of Health Care Providers Treating Rohingya Survivors in Refugee Camps in Bangladesh” [Violence sexuelle, traumatisme et négligence: observations des fournisseurs de soins de santé traitant les survivantes Rohingya dans les camps de réfugiés au Bangladesh] se concentre sur la violence sexuelle perpétrée lors des attaques généralisées et systématiques contre les communautés Rohingyas, qui ont entrainé la fuite de plus de 720000 Rohingyas vers le Bangladesh.
Lors cette recherche, PHR a voulu, à l’aide d’une méthodologie rigoureuse, documenter et explorer les schémas de blessures et de conditions subies par les Rohingyas - mettant l'accent sur la violence sexuelle - en discutant avec les agents de santé qui prodiguaient des soins aux réfugiées rohingyas au Bangladesh.
Les médecins, infirmières et autres cliniciens traitant les communautés affectées sont souvent les premiers à qui les survivantes peuvent envisager de divulguer leur traumatisme et les détails intimes de leurs expériences; en tant que tels, ils ont une perspective et expérience critiques qui doivent être documentées dans le cadre de la recherche sur la violence sexuelle. Les entretiens avec les prestataires de soins de santé ont non seulement permis à PHR de collecter les comptes-rendus des survivantes - sans avoir à s’adresser directement aux survivantes - mais aussi de corroborer les histoires des survivantes qui ont déjà été documentées.
Suivi et évaluation: l'application MediCapt comme outil d'évaluation au Kenya
Notre organisation adopte également des méthodologies qui évitent le risque de traumatiser une nouvelle fois les survivantes dans nos efforts de suivi et d’évaluation. Avec le soutien de Sexual Violence Research Initiative and the World Bank Group [Initiative de recherche sur la violence sexuelle et du Groupe de la Banque mondiale] à travers le Prix du marché du développement pour l'innovation dans la prévention et la réponse à la violence basée sur le genre, nous menons une évaluation sur MediCapt.
MediCapt est une application mobile qui a été conçue en collaboration pour collecter des preuves médico-légales de violence sexuelle et les transmettre en toute sécurité aux autorités engagées dans la recherche de responsabilité pour ces crimes.
Nous procédons à un examen des dossiers médicaux pour comprendre comment cette intervention numérique affecte la capacité des cliniciens utilisant l'application au Kenya à collecter, documenter et préserver les preuves médicales de violence sexuelle en comparant la qualité des preuves recueillies numériquement dans MediCapt et celles collectées en utilisant des formulaires papier. Les examens des dossiers médicaux, lorsqu'ils sont menés de manière éthique et confidentielle, fournissent des informations essentielles sur ce qui fonctionne - et ne fonctionne pas - dans les efforts visant à améliorer l'accès à la justice pour les survivantes sans risquer de les traumatiser à nouveau.
Ces méthodes innovantes sont essentielles pour réduire les dommages potentiels aux survivantes qui peuvent résulter de la recherche traditionnelle et des approches de suivi et évaluation dans le domaine de la violence sexuelle. Elles permettent également de recueillir des expériences et des perspectives supplémentaires qui sont essentielles pour comprendre la violence sexuelle. S'il est important d'explorer des méthodologies créatives qui évitent les risques de re-traumatisation, il est également nécessaire de centrer la voix des survivantes dans la recherche et le suivi et l’evaluation de la violence sexuelle.
L'utilisation d'une variété d'approches - certaines impliquant des survivantes et d'autres exploitant d'autres sources d'information - peut réduire le fardeau des survivantes et leur procurer les moyens de partager leurs expériences.
Website: https://phr.org/
Twitter: https://twitter.com/P4HR
Facebook: https://www.facebook.com/physiciansforhumanrights
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Katy Johnson est coordinatrice senior des programmes Programme sur la violence sexuelle dans les zones de conflit et Physiciens pour les droits humains. Katy dirige le projet MediCapt et fournit un soutien dans le domaine du suivi et de l’évaluation ainsi que le renforcement des capacités chez PHR. Elle a auparavant travaillé pour l'Initiative Data2X de la Fondation des Nations Unies et l'International Rescue Committee. Elle est titulaire d'une maîtrise en droit et diplomatie de la Fletcher School de l'Université Tufts et d'un BA de l'Université du Wisconsin - Madison.
Lindsey Green est la coordonnatrice principale des programme Programme sur la violence sexuelle dans les zones de conflit et Physiciens pour les droits humains. Lindsey conduit des recherches sur les violences sexuelles et autres violations des droits humains perpétrées contre la minorité Rohingya au Myanmar après août 2017 et apporte un encadrement et soutien au développement des capacités et à la création de réseaux chez PHR. Elle a travaillé sur la mise en œuvre de programmes, la production de preuves et le partage des connaissances à la Friedman School for Nutrition Science and Policy de l'Université Tufts, Mercy Corps, Pathfinder International et Dartmouth College. Elle est titulaire d’une maîtrise en développement international durable de l’Université Brandeis et un BA du Beloit College.
Suzanne Kidenda est chargée des programmes Programme sur la violence sexuelle dans les zones de conflit, Physiciens pour les droits humains, apporte son expertise à la conception, l'initiation, la mise en œuvre et suivi des projets de renforcement des capacités et de réseau au Kenya. Elle gère également l'avancement des projets de santé mentale et psychosociaux liés au programme. Suzanne est titulaire d'un diplôme d'études supérieures en études du développement de l'Université catholique d'Afrique de l'Est et d'un BA en psychologie de l'Université internationale des États-Unis à Nairobi.
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